En janvier 2020, tiers-lieux.be découvre qu’un lobbying a été exercé sur la définition Wikipédia « Tiers-lieu » et l'expose sur la page Facebook des Tilios (Tiers-Lieux Libres et Open-Source)1).
Le 10 décembre 2015, la définition Wikipédia du mot “tiers-lieu” a été modifiée par un collaborateur Wikipédia : « Philome ».
À l’époque de la création de cet utilisateur (2009), son profil mentionnait un emploi au sein de l’agence I&E, rachetée en 2012 par le groupe international Burson-Marsteller, renommé Burson Cohn & Wolfe en 2018. :
Le 27 mai 2020, cet utilisateur sera définitivement banni de Wikipédia pour raison de « Contributions rémunérées non-déclarées » :
Cette modification avait pour but de mentionner les résultats d’enquêtes et statistiques réalisées par l’agence Actinéo ou « L’Observatoire de la qualité de vie au travail », initiative de l' « Ameublement français », organisation patronale française fondée en 1960 et représentant les fabricants français d’ameublement.
Actinéo est directement relié à Burson Cohn & Wolfe, ces derniers ayant réalisé « la conception et la création graphique » du site Actinéo:
Les chiffres fournis par Actinéo dans son « Baromètre Actineo 2015 » sont censés mettre en avant l’utilisation des tiers-lieux dans le cadre du travail, néanmoins, les textes accompagnant ces chiffres montrent qu’ils se sont basés sur une définition propre du terme « tiers-lieu », loin de toute réalité existante.
Selon ce baromètre, 96% des travailleurs avaient déjà travaillé au sein d’un « tiers-lieu de travail ».
Pour celui-ci, un tiers-lieu peut être un autre local de l’entreprise où une personne serait employée, montrant que n’importe quel « lieu tiers » peut alors être un « tiers-lieu », sans tenir compte de la définition même du terme.
Ce baromètre reprend également, comme « tiers-lieu public », tout lieu dans lequel une personne serait susceptible de pouvoir travailler (café, transports en communs, hôtels, aéroports, gare, …) faisant alors monter le nombre de travailleurs utilisant de tiers-lieux publics à 54%.
Enfin, le baromètre reprend les « tiers-lieux d’innovation » (fablab, espaces de co-working, incubateurs, …), les plus proches de ce qui définit originellement les tiers-lieux, mais utilisés par seulement 24% des travailleurs interrogés.
Le même jour, le même utilisateur aura modifié les définitions de « bien-être », « poste de travail », « Aménagement en open space », à chaque fois pour y inclure le baromètre Actinéo.
L’entreprise Burson Cohn & Wolfe est mise en cause en mai 2020 pour avoir contribué sur un certain nombre d’articles de la version en français de l’encyclopédie, tout en ne respectant pas ses règles. L’entreprise reconnaît les faits et « s’engage à ne plus apporter de contributions sur les pages Wikipédia »2).
Suivre les principes d'Actineo, « La référence sur la qualité de vie au bureau » ?
Oui! et ça tombe très bien, selon Actineo il faut passer par de l'open-space, du ré-aménagement, de l'aménagement de nouveaux espaces!
Et c'est qui qu'on appelle pour faire ça ? des fabricants de meubles…
Attention, cette partie de la définition et les recherches liées sont toujours en cours d'écriture.
L'une des « définition/explication » que l'on entend souvent utilise les mots « entre le domicile et l'entreprise », « propices aux rencontres », « aux échanges informels », présentant avant le tiers-lieu comme un lieu de travail. Théoriquement, si vous vous intéressez déjà un peu au domaine, vous avez forcément déjà entendu ou utilisé ces termes.
Mais pourquoi ces termes ? Qu'est-ce qui a fait que, à un moment, ils ont été utilisés, repris et soient encore utilisés dans tant d'explications, mais très souvent dans un certain cadre institutionnel.
Ce n'est certainement pas « tout le monde » qui s'est dit en même temps que c'étaient les meilleurs termes à utiliser. Quand certains mots sont utilisés pour créer un jargon, ce n'est pas sans raison et il faut donc chercher cette raison.
Cela n'est pas difficile, il suffit de remonter dans le temps avec la recherche Google et voir le résultat de recherche aux différentes époques pour voir où apparaissent les premiers liens.
Si l'on fait une recherche sur des termes tels que « tiers-lieux » et « échanges informels » entre le début de Google et le 31 décembre 2013, on ne trouve rien.
En fouillant, je trouve un article de 2010, venant de ZEVillage (dont nous parlerons plus tard) : « Les « tiers-lieux », espaces de travail et d’échange pour stimuler l’innovation et la créativité » 3) où l'on retrouve dans un court article les principaux mots : « tiers-lieu », « informel », « convivial », « échange », « ouverture »… Cet article-là n'est pas mauvais et aurait pu être une très bonne base car, mais il était écrit sur ZEVillage. Et de cet article semblent avoir été tirés les « mots clefs » que l'on retrouvera par la suite.
En 2014, les choses changent. Ces termes commencent à être utilisé, cela dès janvier 2014 sur le site de l'Anact, l'« Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail ». Les deux termes sont éloignés et ne semblent pas être en rapport l'un avec l'autre dans cet article de l'Anact, mais nous y reviendrons.
Cela rappelle le lobbying exercé sur la définition Wikipédia par Burson, Cohn & Wolfe (BC&W) au profit de Actinéo. Il est impossible pour le moment de dire si un tel lien existait à l'époque. Par contre il existe maintenant, Anact a rejoint le groupe Aesio dont le contact presse et l'image sont directement gérés par BC&W.
Attention, il est plus que conseillé de lire l'article cité plus haut pour avoir une totale compréhension de la suite.
Une autre source de 2014, « Ajiter » présente une MSAP (« Maison de Service Au Public », réunissant différents services, dont numériques) comme un tiers-lieu, y compris pour ses employés où : « Les échanges informels entre collègues autour du repas partagé le midi sont très important pour fluidifier la circulation de l'information, alors que les 6 salariés ne trouvent pas forcément le temps de dédier des réunions d'échange entre services régulières. »4)
Présenté comme « média en ligne pour repenser et transformer le travail. Il s'intéresse notamment à la transformation des organisations et des espaces de travail » 5) sort un PDF intitulé : « Corporate Coworking : quelle(s) réalité(s) derrière le coworking en entreprise ? » 6).
Ils utilisent une image “Troisième lieu” comme couverture sur Facebook, semblant montrant leur envie de promouvoir une certaine forme de tiers-lieu.
Dans ce document, nous retrouvons tout un tas de termes, certains ayants marchés (tiers-lieu, échanges informels…), d'autres non (corpworking)…
Le « corpworking » (ou corpoworking) se définit comme « l'espace de coworking en entreprise. » 7) (c'est la définition la plus courte trouvée, mais elles signifient toutes la même chose)
Pour ZEVillage, sans citer la moindre source quant à l'origine de leurs définitions :
Si je fais une recherche sur ZEVillage et Actinéo, je vois qu'ils semblent être amis puisque toute action de l'un entraine un partage de l'autre. Il en va de même entre ZEVillage et l'Anact.
Donc, les différents acteurs, nous avons :
Beaucoup de sites reprendront le tiers-lieu comme un espace de corpworking, appelé souvent « tiers-lieu de travail ».
Nous pouvons voir que l'UNCASS (Union des Caisses Nationales de Sécurité Sociale), dans son guide d'achat 201511) prévoit les espaces collaboratifs, les lieux d'échanges informels. Ce qui n'était pas le cas en 2014.
Source fournie : Actineo.
etc.
Il y en a encore assez peu, mais les seuls résultats qui continuent à apparaître montrent que l'on est rentré dans l'institutionnalisation des termes.
Cela explose, ce sont des centaines des pages qui réemploient ces termes dans une optique professionnelle de co(rp)working et ces termes et « définitions » sont acceptés, bien que toujours floues et difficilement compréhensibles.